Pensées dans l’abri
Event ID: 585
26 août 1917
Source ID: 22
« Dans mon abri, une lampe que j’ai fait fabriquer à partir d’un moteur d’avion est suspendue au plafond. Elle provient d’un avion que j’ai abattu. J’ai monté des ampoules dans les cylindres, et lorsque je reste éveillé la nuit et que je laisse la lumière allumée, ce lustre suspendu au plafond a, Dieu sait, un aspect fantastique et suffisamment inquiétant. Quand je suis allongé là, j’ai beaucoup de choses à penser. Je les note sans savoir si quelqu’un d’autre que mes proches lira un jour ces écrits. J’envisage de donner une suite au « rouge Kampfliger » (le pilote de combat rouge), et ce pour une raison bien précise. Aujourd’hui, la lutte qui se déroule sur tous les fronts est devenue terriblement sérieuse, il ne reste plus rien de cette « guerre fraîche et joyeuse », comme on appelait nos activités au début. Aujourd’hui, nous devons nous défendre désespérément partout pour empêcher les ennemis d’envahir notre pays. J’ai maintenant l’impression sombre que « Roten Kampfflieger » montre aux gens un Richthofen complètement différent de celui que je suis moi-même. Quand je lis le livre, je me souris avec désinvolture. Je ne me sens plus du tout insolent. Non pas parce que j’imagine ce que ce sera quand la mort me rattrapera un jour, certainement pas, même si on me rappelle assez souvent que cela peut arriver. Les plus hautes instances m’ont fait savoir que je devrais maintenant renoncer à voler moi-même, car un jour, cela finirait par m’arriver. Mais je me sentirais très malheureux si, couvert de gloire et de décorations, je vivais désormais en retraité dans ma dignité, afin de préserver ma précieuse vie pour la nation, tandis que tous ces pauvres bougres dans les tranchées, qui font leur devoir exactement comme moi, persévèrent.
Après chaque combat aérien, je me sens misérable, mais cela vient sans doute des séquelles de ma blessure à la tête. Quand je pose à nouveau le pied sur le tarmac, je me dépêche de rentrer chez moi, je ne veux voir personne ni entendre quoi que ce soit. Je crois que c’est vraiment comme ça, ce n’est pas comme les gens chez nous l’imaginent, avec des cris et des hurlements, c’est beaucoup plus sérieux, plus acharné. »
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