31 mai
(UTC+1)
Événements de cette journée dans la vie de Manfred von Richthofen
La première fois dans les airs !

Der rote Kampfflieger von Rittmeister Manfred Freiherrn von Richthofen, 1917, 351.000 - 400.000, Verlag Ullstein & Co, Berlin-Wien p.
« La première fois dans les airs ! Le matin, à sept heures, je devais prendre l’avion pour la première fois ! J’étais dans un état d’excitation un peu compréhensible, je n’arrivais pas à m’imaginer quoi que ce soit. Tous ceux à qui je posais des questions me disaient autre chose. Le soir, je me suis couché plus tôt que d’habitude, afin d’être frais le lendemain matin pour le grand moment. Nous sommes allés à l’aérodrome, je me suis assise pour la première fois dans un avion. Le vent d’hélice me gênait énormément. Je n’arrivais pas à communiquer avec le guide. Tout s’envolait pour moi. Si je sortais un bout de papier, il disparaissait. Mon casque s’est déplacé, mon écharpe s’est détachée, ma veste n’était pas assez bien boutonnée, bref, c’était lamentable. Je n’étais pas encore prêt à partir en trombe que le pilote mettait déjà les gaz et que la machine commençait à rouler. Toujours plus vite, toujours plus vite. Je me suis agrippé convulsivement. D’un seul coup, la secousse s’est arrêtée et l’appareil était en l’air. Le sol s’est envolé sous moi. On m’avait dit où je devais voler, c’est-à-dire où je devais guider mon guide. Nous avons d’abord volé un peu en ligne droite, puis mon guide a fait demi-tour, encore demi-tour, [46] à droite, à gauche, et j’ai perdu l’orientation au-dessus de mon propre aéroport. Je ne savais plus du tout où je me trouvais ! Je commençais doucement à regarder la zone en dessous de moi. Les gens étaient minuscules, les maisons semblaient sorties d’un jeu de construction pour enfants, tout était si mignon et gracile. En arrière-plan, il y avait Cologne. La cathédrale de Cologne, un jouet. C’était tout de même un sentiment sublime de flotter au-dessus de tout. Qui pouvait me faire du mal maintenant ? Personne ! Je me moquais bien de ne plus savoir où j’étais, et j’étais tout triste quand mon pilote m’a dit que nous devions maintenant atterrir. J’aurais préféré repartir tout de suite. Je ne pense pas que j’aurais eu des problèmes, comme par exemple avec une balançoire aérienne. Les fameuses balançoires américaines, soit dit en passant, me dégoûtent. On ne s’y sent pas en sécurité, mais dans l’avion, on a un sentiment de sécurité absolu. On est tranquillement assis dans son fauteuil. Il est impossible d’avoir le vertige. Personne n’a jamais été pris de vertige en avion. Mais c’est un sacré frisson de s’élancer ainsi dans les airs, surtout après, quand ça redescendait, que l’avion basculait vers l’avant, que le moteur s’arrêtait de tourner et qu’un calme immense s’installait d’un coup. Je m’accrochais à nouveau convulsivement et je pensais [47]naturellement : « Maintenant, tu vas tomber ». Mais tout se passait si naturellement, même l’atterrissage, comment on touchait à nouveau la terre, et tout était si simple qu’on n’avait absolument aucun sentiment de peur. J’étais ravie et j’aurais pu rester dans l’avion toute la journée. Je comptais les heures jusqu’au prochain décollage ».
Vol d'essai

Die Erinnerungen der Mutter des roten Kampffliegers Kunigunde Freifrau von Richthofen. Im Verlag Ullstein - Berlin, 1937. p. 113
« Le 31 mai, quelques messieurs de Wroclaw sont venus en avion à Schweidnitz pour chercher Manfred. Ils ont pris leur petit-déjeuner chez moi et se sont ensuite rendus aux machines. Un avion monoplace, d’un type qu’il ne connaissait pas, était prêt pour Manfred. Avant le décollage, l’un des messieurs demanda si légèrement : « Pour ce court vol, vous voulez d’abord attacher votre ceinture – je ne le fais jamais ». – Manfred répondit : « Je mets ma ceinture pour tous les vols interurbains ». Il passa les ceintures autour de lui et ferma les boucles. Voici ce qui se passe en cours de route : Manfred lâche temporairement la commande de profondeur, comme il le fait souvent et doit le faire avec sa machine. Elle continue alors à voler pour ainsi dire d’elle-même. Or, il ne connaissait pas ce monoplace. Avant qu’il n’ait eu le temps de réfléchir, il se sent emporté, sent la pression des sangles sur son corps, voit la terre comme une assiette sous lui. Il se sert de ses mains et de ses pieds pour attraper le manche à balai – puis, en quelques gestes, il reprend le contrôle de l’avion, dans sa position normale. Que s’était-il passé ? – Alors que le sang afflue vers le cœur et que la pensée s’organise, il se rend compte de l’incident. Au moment où il avait lâché les commandes, l’appareil, lourd de tête, avait basculé vers l’avant jusqu’à ce qu’il continue de voler, les roues vers le haut. A 3000 mètres d’altitude, Manfred était suspendu entre ciel et terre, uniquement retenu par les sangles. Il s’en est fallu de peu que le vainqueur de plus de cinquante duels aériens ne soit victime d’une paisible promenade aérienne. De Breslau, le vol s’est poursuivi jusqu’à Militsch, où la Providence s’est encore montrée favorable. Lors du décollage pour le vol de retour, le moteur s’est mis en grève. Il y eut un long retard. C’est alors qu’éclate un violent orage qui s’était caché derrière les nuages ; orage, grêle et ouragan se déchaînent en un formidable enfer. Malheur à l’aviateur qui s’est retrouvé dans ce chaudron de Heren ».