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Event ID: 500
14 novembre 1925
Source ID: 22
« Au milieu de l’année 1925, notre famille a décidé de rapatrier la dépouille de Manfred v. Richthofen en Allemagne et de l’enterrer dans sa terre natale. Dans un premier temps, il était prévu d’enterrer le cercueil de Manfred à côté de la tombe de son père et de son frère Lothar au cimetière de Schweidnitz. Mais les autorités de l’Empire allemand, en particulier le ministère de la Défense et les organisations aéronautiques, ont exprimé le souhait urgent que le corps de Manfred soit déposé aux Invalides de Berlin, où tant de héros et de généraux allemands avaient déjà trouvé leur repos éternel, ce que la famille a accepté, reconnaissant que le souvenir et la mémoire de Manfred n’appartenaient pas à elle seule, mais à tout le peuple allemand. Les négociations nécessaires et assez longues avec les autorités françaises furent entamées et, à la mi-novembre, je partis pour la France en direction du lieu où se trouvait la tombe de Manfred. Ce n’était pas celle d’origine, car son corps n’avait été transporté qu’après la guerre à Fricourt, un petit village situé à huit kilomètres d’Albert, autrefois si âprement disputé, où se trouve un cimetière de soldats allemands morts au combat.
L’autorité compétente m’avait adjoint un monsieur du nom de Lienhard, à qui il incombait en premier lieu de régler les formalités nécessaires avec les instances françaises et de diriger l’exhumation. C’est le 14 novembre 1925 que, venant d’Amiens, je rencontrai Monsieur Lienhard à Albert. Je trouvai ce monsieur très prudent et zélé dans une certaine agitation, car les autorités françaises, bien qu’informées à temps de l’exhumation, ne s’étaient malheureusement pas inquiétées dans un premier temps. Après quelques recherches, nous avons réussi à trouver un vieux monsieur qui avait été sous-officier pendant la guerre et qui occupait maintenant le poste de conservateur du cimetière. Nous l’avons pris dans notre voiture et sommes arrivés à trois à Fricourt. Le cimetière des morts allemands y offrait une image vraiment bouleversante, et l’impression que j’ai eue en le voyant est difficile à exprimer par des mots. Selon les indications de l’administrateur du cimetière qui nous accompagnait, environ six mille soldats allemands y reposent dans des tombes individuelles et douze mille dans une seule et immense fosse commune. Aucune feuille verte, et encore moins une quelconque couronne, ne donne à ce lieu triste et poignant un caractère un peu plus accueillant. Seule sur la fosse commune se trouvait une simple couronne de tôle qu’une vieille mère avait peut-être dédiée à la mémoire de son fils mort pour la patrie, qui reposait là avec des milliers de camarades. Les corps des héros de Deustch ont été rassemblés ici dans les premières années après la guerre, en provenance de trente cimetières différents. Il se peut toutefois que l’aménagement du cimetière n’ait pas encore été définitif à l’époque. Entre-temps, le Volksbund für deutsche Kriegsgräberfürsorge (association allemande pour l’entretien des sépultures de guerre) s’est probablement occupé de ce lieu de repos des guerriers morts, et il offre aujourd’hui, espérons-le, une vue plus agréable et plus belle.
Au cimetière de Fricourt même, rien n’était encore prêt pour l’exhumation. Nous avons dû faire venir les différents ouvriers et il a fallu près de trois heures avant de pouvoir procéder à la fouille elle-même. Nous avons trouvé une plaque de zinc sur laquelle le nom et la date de décès de Manfred étaient inscrits en anglais et en allemand. Cette plaque avait été fixée sur le cercueil par les Anglais qui l’avaient enterré pour la première fois. Elle est maintenant en possession de ma mère à Schweidnitz. Après avoir transféré tout ce qui était mortel chez Manfred dans le cercueil en zinc que nous avions apporté, nous l’avons transporté à Albert, où le chargement a été effectué sur le train pour Kehl, à la frontière franco-allemande, sous la direction des autorités françaises compétentes ».
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