MvR devrait être mort
Event ID: 291
05 août 1914
Source ID: 10
« Aujourd’hui, j’ai vécu une journée qui me reste encore dans tous les membres, mais qui m’a aussi profondément ému. Sur le petit terrain d’exercice, qui est si gentiment bordé de verdure sur deux côtés, tout près de notre maison, a eu lieu un service religieux de campagne pour toute la garnison, les soldats et leurs familles. Ce fut un grand adieu face à l’éternel, une communion comme seul le destin peut en créer et qui doit maintenant être porté par tous de manière indissoluble. Avant même le début de la messe, la déclaration de guerre de l’Angleterre à l’Allemagne avait été rendue publique. Ils étaient là, nos soldats qui faisaient notre fierté, dressés comme des murs sur trois côtés de la place, sur le flanc encore libre les hommes et les femmes en habits sombres, les parents, les sœurs de nos guerriers qui, aujourd’hui en habit gris, allaient partir demain ou après-demain. Au centre, l’autel de campagne s’élevait, les ecclésiastiques parlaient, une profonde gravité se lisait sur tous les visages ; on essayait de se remémorer tel ou tel visage qui nous était cher aux jours heureux. Peut-être ne les reverrait-on plus jamais. Le ciel s’étendait bleu et sans nuages au-dessus du beau tableau sérieux, le vent léger amenait le bourdonnement des cloches de l’église, nous chantions tous avec une grande ferveur le « Nous entrons en prière… ». C’était comme un serment, il nous transperçait tous, et chacun sentait que pour le peuple allemand, il n’y avait que la victoire – ou la destruction. Et maintenant, il m’est arrivé quelque chose que je ne voulais pas croire. Des connaissances qui nous saluaient le faisaient avec une telle cordialité timide que j’ai fini par me poser des questions. Ils me demandaient des nouvelles de Manfred, toujours avec un intérêt si étrange. Ils me demandèrent si mon fils était revenu des combats de patrouilles de l’autre côté de la frontière. « Oui, bien sûr… » Mais pourquoi tout le monde demandait-il si étonnamment, mon Dieu ? Que s’était-il passé ? Mes genoux faiblirent, on me poussa vers une petite chaise de campagne, je dus m’asseoir. C’est ainsi que j’appris que Manfred était mort et que son ami Webel avait disparu ou était tombé. La peur me serra le cœur, mais seulement un instant. Une certitude, une confiance qui n’était fondée sur rien d’autre qu’elle-même, me disait : ce n’est pas possible, c’est une erreur, il est vivant. Et cette confiance dans la voix intérieure fit que toute l’anxiété s’éloigna de moi, que je devins bientôt consolé, et même d’humeur joyeuse… ».
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